
Texte de Marie Nancy-Lasserre, juillet 2020
Des enfants sans parents…
Mais où sont les parents des charmants enfants, peints par Gérald Engelvin ?
Nulle trace d’un papa ou d’une maman dans ses tableaux. Comme si ces enfants, sages et songeurs, étaient capables de se garder tous seuls… C’est une belle énigme que cet artiste nous demande (ou pas) de résoudre. Ces jolies petites têtes brunes ou blondes lisent, jouent aux cartes ou aux dés,
se regardent dans des miroirs, rêvent, songent ou se sont endormis sur des livres demeurés grands ouverts… Ces enfants-là semblent ignorer les nouvelles technologies. Pas de téléphone portable, nul ordinateur, aucun jeux-vidéo ou liseuse numérique… Ils jouent avec les figurines de simples jeux de cartes, sont plongés dans les mots et les univers des livres ou questionnent des miroirs :
«Miroir, mon beau miroir, suis-je déjà jolie ?» semblent demander les ravissantes petites filles ou bien encore, nourries des contours romanesques de leurs lectures s’interrogent-elles sur :
« est-ce que je vis encore dans le monde de l’enfance ou ai-je déjà délicatement posé un pied dans la préadolescence ?». Le temps semble s’être arrêté, tant pour le peintre que pour les enfants eux-mêmes. Pourquoi ? Par nostalgie d’une enfance douce, sereine et innocente que le peintre cherche à retenir et à retrouver ? Cette magie de l’enfance qu’il a vécu lui-même ? Ou bien Gérald Engelvin rêve-t-il que les enfants d’aujourd’hui soient protégés de toutes les «agressions» de la modernité afin de vivre plus intensément dans l’imaginaire et la simplicité des jeux d’autrefois ?
«Nous sommes de l’étoffe dont les songes sont faits»… nous dit William Shakespeare.
Les enfants de Gérard Engelvin sont songeurs et contemplatifs. Ils ont l’étoffe, la personnalité, l’épaisseur que leur insuffle leur père artistique qui les fait vivre sous nos yeux, dans des univers solitaires, sobres et feutrés. Quant aux « étoffes » au premier degré, portées par les enfants, ce sont des tissus naturels et presque sensuels : robes de coton léger à petits volants seyants, pulls ou gilets de laine aux couleurs lumineuses, jupes plissées et soyeuses… Rien n’est laissé au hasard : le décor et les intérieurs sont toujours sobres, raffinés et de bon goût. Ni dorure ni paillette, rien de clinquant, rien de « bling-bling », mais des murs hauts, aux motifs parfois surannés et aux boiseries finement sculptées.Tout est tellement maîtrisé que ces tableaux sont des compositions de scènes théâtrales, des cadrages cinématographiques : effets de grands rapprochements de l’œil, au plus près des enfants, mais aussi et à l’inverse : grand recul de celui qui regarde l’enfant regardé par des ouvertures de profondeurs de champ, des pièces mises en perspectives et de grandes enfilades à l’italienne. Tout est doux dans l’univers de Gérald Engelvin : couleurs cérusées des décors et des corps, fauteuils ou canapés aussi solitaires que les enfants assis ou endormis dessus, lumières dorées et chevelures blondes, coussins moelleux et tresses voluptueuses. Tout y est apaisant, serein, calme, dans un espace-temps comme protégé. Il y a là le goût du « temps perdu et du temps retrouvé » d’un Marcel Proust. On imagine que bientôt pour le goûter, on servira aux enfants, des jus de fruits colorés et pulpeux, des confitures onctueuses et sucrées, accompagnées de madeleines odorantes et dorées… Monsieur Proust êtes-vous là ?…bien caché derrière le grand canapé peut-être ? Ou entre les lignes des livres si attentivement lues ? Ces enfants, libres de parents et apparemment si sages, sont aussi de grands voyageurs spirituels, libres de pensées et de rêveries. Les miroirs, les cartes et les livres sont autant de portes ouvertes et de passages secrets vers un ailleurs sans limite imaginaire… Comme il a raison Gérald Engelvin « d’effacer » les parents de ses tableaux, il gomme ainsi tous les obstacles pour nous faire mieux rentrer dans « Le vert paradis des amours enfantines…L’innocent paradis plein de plaisirs furtifs ? ». C’est sans nul doute Charles Baudelaire qui en parle le mieux…
Marie Nancy réalisatrice et scénariste TV.
Texte de Maximilien Friche, juin 2020
Avant-propos du catalogue de l’exposition à la galerie Portal d’aout 2020.
Gérald Engelvin, peintre de l’intérieur
Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… disait Baudelaire. Et c’est ce vers qui vient immédiatement à la bouche lorsque l’on regarde les toiles de Gérald Engelvin, d’où émane une véritable sérénité. On ne peut pas passer à côté sans s’arrêter un moment, elles suspendent notre course et nous mettent spontanément en rêverie. Nous sommes saisis par la beauté, tout en restant libres. Il y a quelque chose de familier dans l’histoire que l’on commence à se raconter. Nous sommes comme invités chez nous, un lieu nous attendait donc. Et nous pouvons rester longtemps sans rien dire devant les tableaux de Gérald Engelvin, le temps nécessaire pour que cette jeune fille allongée sur la banquette finisse son livre, le temps nécessaire pour que cette autre finisse son rêve. Un temps infini donc.
Quand on parle de peinture, on reste toujours fasciné par les deux dimensions, le fait d’y convoquer un monde. Rien n’est trompe-l’œil chez Gérald Engelvin, tout est ordonnancement. Il propose un mur qui devient notre maison, notre intérieur, notre for-intérieur. Les masses de peintures s’organisent et nous laissent intrigués à perpétuité devant l’immuable. L’équilibre tient de l’harmonie. La grâce tient à une infime touche de déséquilibre qui nous met en questionnement : le froissé d’une robe, un léger mouvement, l’expression d’un visage concentré ou en attente, l’inclination des têtes, l’origine d’une lumière rampante, l’enchaînement des pièces… Parfois la mise en situation va jusqu’à poser une énigme. Cette énigme ne se résout qu’en abdiquant devant la poésie et la grâce.
A contempler ces intérieurs habités par l’enfance, on ressent malgré tout une certaine gravité en deçà de l’harmonie. Derrière l’invitation familière qui nous est faite à habiter les tableaux, on semble lire que ce qui nous est ainsi proposé ne va peut-être pas durer. Pire, ce temps est peut-être déjà passé… La nostalgie est anticipée et incorporée à la sérénité présente. Ce moment d’éternité ne durera pas. On n’y tient que davantage et notre souffle contient tout l’attachement à la vie, on aime. Les enfants solitaires, sages, rêveurs, les enfants dans leur monde, … semblent nous rappeler que l’âge adulte est un leurre. Nous pouvons y échapper en étant présents à l’intérieur de nos êtres. C’est ainsi que les intérieurs peints par Gérald Engelvin s’impriment en nous.
Maximilien Friche
A l’avant garde : Gérald Engelvin – Intérieur au sofa gris

Chardin, Balthus, Picasso, Hooper, Vermeer … voici les influences revendiquées par Gérald Engelvin. Le peintre versaillais s’en détache pourtant pour créer son style, sa griffe, son atmosphère. Intérieur au sofa gris en témoigne, parmi de multiples autres réalisations.
Couleurs douces, lumière tendre, tissus anciens et décor d’un autre temps. C’est dans cette atmosphère typique d’un Marivaux que Engelvin se plaît à placer l’enfance solitaire. Rêves de jeu, mélancolies incompréhensibles, parfois c’est l’absence qui parle le mieux pour évoquer la solitude.
Ces portes ouvertes sur des perspectives, des volumes inconnus en disent long sur l’isolement qu’on ressent à errer dans cet univers muséal où les meubles, trop précieux, n’autorisent aucun débordement de vie. Figé, cet apparat est celui des scènes, du théâtre social. On y ressent autant de fascination respectueuse que d’inconfort.
Subtil, Engelvin l’autodidacte s’affranchit des diktats académiques pour délivrer une peinture du vrai, humble et émue, très réservée, qui n’est pas sans rappeler les paramètres de l’art naïf. Plus qu’un cadre, c’est un manque qu’il traduit, un désir latent, de présence, de chaleur, d’humanité.
Gérald Engelvin à la galerie L’Oeil du prince (extrait du blog de Pascal Ordonneau)
Fin de la journée. Tout près de chez moi, une galerie qui, elle aussi, défend une « ligne ».
J’y avais trouvé une peintre (ou une peintresse ? ) : Zou, sur laquelle j’ai rédigé pas moins de trois chroniques.
Le thème suivi par la galerie est définitivement « peinture » figurative. Ringard ou retour aux origines ? Je pense que c’est une bonne idée. On peut comme GNG, avec Catherine Seher, opter pour une figuration suggérée où les formes ne s’imposent pas par elle-même mais par leur façon de parler de la vie intime et des sentiments. Dans le cas de l’Œil du Prince, les formes sont clairement celles de la représentation des personnes, des objets ou des lieux.
J’ai particulièrement aimé le travail de Gérald Engelvin. Un réalisme pur et dur. Et un mystère, car à représenter avec autant de précision, on finit par se heurter à la surface des choses et des êtres. On s’aperçoit que sous couvert de rendre compte d’attitudes, de poses et de de regards, l’artiste instaure un mystère au milieu d’une clarté, une intranquillité au sous couvert de quiétude.
La matière n’est pas lisse, un aspect granuleux écarte toute impression d’hyperréalisme. Les attitudes des personnages écartent toute complicité avec le regardeur. Ce sont souvent de jeunes enfants et, encore plus souvent, des « liseurs » plongés dans leur bouquin, absents au monde, insouciants des regardeurs.
A les regarder justement, à ces images de Gérald Engelvin, d’autres images s’invitent et viennent apporter leurs lumières. Images photos d’Erwin Olaf dont la clarté et la simplicité ont du mal à dissimuler drames et interrogations intimes quand elles ne les mettent pas directement en scène (la Honte). Et inévitablement, Balthus, lui aussi peintre des filles. Gerald Engelvin ne laisse pourtant pas planer l’étrange, ni ne l’introduit dans les formes qu’il dispose. Les dislocations de l’intime, du temps et du sexe de Balthus ne sont pas les siens : sa musique est plus classique. Elle est si proche d’une « ligne claire » qu’elle pousse le regardeur à hésiter entre représentation de la vie quotidienne et questionnement sur ce qui vit sous la surface des choses.
Le lecteur est-il absent au monde ou plus présent et plus sérieusement dans le monde que le regardeur ?
(source http://www.pascalordonneau.com/soliloques-sur-l-art/soliloque-sur-l-art-mai16-une-belle-promenande/)
Article de Sophie Van Vlierberghe (Le bien public, sept 2015)
Les toiles de Gérald Engelvin nous ouvrent les portes d’un univers candide, intime, et emprunt de fraîcheur. Les thématiques de l’enfance et du foyer y sont traitées avec beaucoup de grâce, dans des portraits tendres et expressifs.
Prenant parfois une dimension narrative de scènes de vie, ceux ci situent le sujet dans un contexte à la fois réaliste et idéal: les intérieurs élégants et désuets, l’ambiance feutrée à souhait…Tout tend à imprégner la toile d’une tendre nostalgie.
Un décor auquel font bien sûr échos les tenues des joyeux bambins: sages, classiques et un brin rétros. Les petites filles modèles sont saisies avec beaucoup de justesse et de poésie: l’une dort paisiblement dans un fauteuil, une autre lit sur un sofa, une troisième contemple rêveusement un paysage bucolique par la fenêtre ouverte… Si les visages restent à dessein dans une sorte de flou délicat, les silhouettes, les attitude et les postures nous en disent autant que n’importe quelle mimique ou regard, permettant au visiteur de se raconter son histoire. Tout ceci est servi à merveille par un travail soigné de la lumière et de la perspective, auquel s’associent des couleurs douces et chaleureuses.
L’Univers candide de Gérald Engelvin
Ses toiles sont traitées avec élégance : l’enfance dans sa plus grande innocence ou la quiétude d’une nature morte, tel sont les sujets phares de Gérald Engelvin.
L’artiste autodidacte nous livre les tableaux d’un monde presque idéal dans lequel la petite fille se prélasse encore au creux d’un fauteuil, bien loin du jouet dernier cri. Des couleurs grisées, presque pastel, sont utilisées pour traiter ces portraits dont les sujets sont toujours solitaires. Cette esthétique se retrouve dans le style de ses autres thèmes : les natures mortes, coupes de fruits ou fleurs. Des teintes plus vives permettent à l’artiste de jouer avec la lumière et d’éveiller sa peinture.
Artiste contemporain depuis 1998, c’est pourtant une formation d’ingénieur chimiste qu’il a suivie. Il expose aujourd’hui en France : à Paris, Saint-Jean de Luz, Dinard, Avignon ou Courchevel dans des galeries qui lui restent fidèles. Mais l’international est aussi tombé en émoi devant ses toiles fleuretant avec la nostalgie : on le retrouve au Japon, au Luxembourg ou aux Etats-Unis.
Flore (source: http://www.sauvonslart.com) 2013
A la recherche du temps perdu
Dans un style réaliste, l’exposition de Gérald Engelvin à la galerie Portal de Saint Jean de Luz, ne laisse pas indifférente.
Bien qu’autodidacte, ce Versaillais né en 1972 maîtrise les techniques avec grande facilité.
Habilement, il dessine des scènes d’intérieurs de mobilier Louis XV et XVI aux perspectives précises qu’il apparente à des compositions modernes.
Dans ces décors au faste d’antan, il y pose ses personnages, un ou deux enfants souvent de profil en mouvement ou endormis. Il expose également des natures mortes de fruits et de fleurs aux couleurs de camaïeux délicats. Tous les détails dans ses toiles à l’huile se reflètent en une harmonie classique.
Comme un metteur en scène, le peintre fixe l’instant à la recherche du temps perdu, ou peut-être afin de le pérenniser, tel un éternel retour.
Anne de la Cerda (source: http://www.lasemainedupaysbasque.fr) 2012
Texte de Catherine Portal,2012
La peinture émouvante de Gérald Engelvin déploie des trésors de tendresse. Sages ou espiègles, les enfants fleurent bon la confiture de grand-mère, les parties de cache-cache et la bonne éducation.Une douce chaleur d’intimité feutrée naît d’un jeu subtil entre matière et couleur. Ici la pâte riche accroche la lumière en clair-obscur, là les tonalités acidulées amènent fraîcheur et naturel.
Cette enfance dorée comme ce fauteuil doré Louis XVI à l’éclat à la fois nostalgique et riche de valeurs ancestrales exhale un climat de douceur de vivre.L’intemporalité des scènes paisibles évoque pour chacun de nous notre propre enfance ou celle de nos proches.L’univers de Gérald Engelvin délaisse les scènes désuètes d’un Carl Larsson tout comme le réalisme magique d’un Felice Casorati. Loin de l’innocente équivoque d’un Balthus l’œuvre de Gérald Engelvin apporte vivacité, quiétude dans une grande simplicité de scènes de la vie quotidienne de l’enfance.